3 lettres d’espoir et le 1er jour d’école

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Comment te sens-tu à propos du premier jour d’école? Souhaites-tu pouvoir en parler à ton jeune moi? Sur cette page, trois créateur·rice·s de contenu Noirs font exactement cela : à travers des lettres, elles·ils partagent leurs expériences en tant qu’étudiant·e·s Noirs au Canada, comment elles·ils ont géré des problèmes de santé mentale, où elles·ils en sont aujourd’hui et plus encore. En partageant leurs histoires, elles·ils espèrent rappeler aux jeunes que peu importe ce qu’elles·ils ressentent en lien avec la rentrée, elles·ils ne sont pas seul·e·s.

Jeunesse, J’écoute et Wattpad se sont associés à trois créateur·rices de contenu Noirs pour partager des lettres personnelles à leur jeune moi juste avant leur premier jour d’école. Grâce à ce partenariat, nous espérons soutenir la santé mentale des gens de partout au pays, tout en sensibilisant la population à Surmonter propulsé par Jeunesse, J’écoute.

Tu peux lire des histoires à propos de la rentrée ci-dessous!

La lettre de Rodney au sujet de son premier jour d’école

Rodney est un auteur et scénariste reconnu. Il a écrit et produit plusieurs courts métrages, longs métrages et webséries dont une aventure de science-fiction.

Photo de Rodney V. Smith

Toujours vers l’avant

par Rodney V. Smith

Mon école secondaire à la Barbade avait un dicton : Toujours vers l’avant, jamais vers l’arrière! J’ai découvert plus tard dans la vie que c’est une devise fièrement antillaise avec des racines et une signification profondes. Les gens vivaient par cette devise. Moi-même, je n’en ai jamais vraiment apprécié la pleine signification, mais c’était toujours amusant de le dire chaque fois qu’un défi se présentait. Pour être honnête, je l’utilise encore aujourd’hui comme une sorte de cri de guerre.

Le premier jour où je l’ai entendu, c’était, bien sûr, le premier jour d’école, avec les 60 autres enfants au visage frais dans leurs nouveaux uniformes brillants. Des uniformes qui étaient un peu trop grands pour eux, car elles·ils finiraient par grandir. Tu sais comment les mamans peuvent être. Les enfants avaient tous reçu le « traitement » de leurs mères ce matin-là, s’assurant que les uniformes étaient repassés, les cols bien nets et les chaussures cirées. Ce n’était même pas pour les photos, seulement pour s’assurer que nous, les enfants, avions l’air convenables et présentables. Je repense à ce premier jour, et tu sais ce dont je me souviens plus que tout? Ce n’était qu’une observation momentanée, mais elle m’est restée à travers les années. Il y avait quelques enfants blancs dans cette classe, et elles·ils n’avaient pas l’air aussi impeccables que le reste d’entre nous, les enfants Noirs. Peut-être était-ce la façon dont elles·ils portaient leurs vêtements, avec une attitude différente, ou peut-être était-ce parce qu’ elles·ils n’avaient pas à vivre avec le discours que la plupart des parents ont foré dans la tête de leurs enfants Noirs.

« Tu ne peux pas te contenter d’être bon; tu dois être meilleur. »

J’avais hoché la tête pour faire savoir à ma mère que je l’avais entendue, résistant à l’envie de rouler des yeux, parce que ce n’était pas la première fois que je l’entendais et je savais que ce ne serait pas la dernière. Ce à quoi je n’ai jamais pensé (et ça ne vient qu’avec le recul), c’est que tous les autres enfants Noirs en entendaient probablement une version ou une autre.

Penses-y un instant alors que tu te prépares pour ton premier jour.

Comme moi, tu ne comprendras probablement pas le poids de cette déclaration. Elle renferme énormément de responsabilités, et alors que tu avances vers l’école secondaire, loin de la familiarité confortable du primaire, ça signifiera tellement plus.

Ce n’est pas seulement une responsabilité, c’est un potentiel et c’est excitant, n’est-ce pas? Avoue-le : tu as eu un frisson en portant ces habits formels pour ta nouvelle école. Tu es plein de cette énergie bourdonnante nerveuse et tu as l’impression que tu vas exploser. Tu peux sentir le potentiel dans l’air, faire des choix et être tout ce que tu veux être. C’est différent maintenant, en allant au secondaire, on a l’impression que la récréation est terminée. Tu ne fais plus partie des grands enfants, et ça restera le cas pendant quelques années. Maintenant, c’est vrai, tu vas franchir la porte d’entrée vers ce qui ressemble à un monde différent.

Je pourrais te dire que tu vas faire tous les bons choix et que ton parcours sera clair, que ce sera si facile, mais je ne veux pas te mentir. Tu vas avoir beaucoup de rêves et généralement, tu ne vas que te retrouver, et crois-moi, c’est correct. En ce moment, au secondaire, c’est le moment pour toi d’expérimenter et de dénicher ce dans quoi tu es bon. Tu dois découvrir ce que tu veux faire. Tu peux soudainement trouver la science absolument passionnante ou approfondir ton art en découvrant de nouvelles façons de sortir les histoires dans ta tête. Tu peux même être écrivain si c’est ce que tu veux (et peu importe ce que dit ta mère, écrire peut-être un vrai travail), et créer des histoires qui deviendront des livres et des films. Tout est possible. Mais…

Tu sais au plus profond de ton âme que tu ne commences pas au même niveau que tout le monde. La médiocrité n’est pas une option. Être bon ne suffit pas, pas pour toi. Il faut être meilleur dès le départ, car on va être jugés plus sévèrement, même quand les juges ne savent pas qu’ elles·ils le font. Ta mère le sait, c’est pourquoi elle te le dit encore et encore, car c’est une réalité qu’elle vit tous les jours.

Je pourrais te dire que tout va être génial, que tu es sur le point de te faire certain·e·s des meilleur·e·s ami·e·s de ta vie, que tu t’adapteras à la nouvelle structure de classe et à tous les grands changements. Toutes ces affirmations sont vraies. Mais pas toutes ensemble, et pas toutes en même temps.

On t’a déjà parlé de la difficulté pour un enfant Noir de s’épanouir dans le monde. Ton père ou peut-être même ton oncle t’ont pris à part et ont fait de leur mieux pour te dire à quel point le monde est difficile; le plus tôt tu t’en rendras compte, le mieux ce sera. La réalité a sombré dans ta vision du monde et parfois, ça n’a pas été un bon sentiment, n’est-ce pas?

Tu as vu les reportages aux actualités et tu as toujours eu ce sentiment dans ton ventre alors que, quand il y avait un crime violent, le principal suspect était toujours Noir. Il y a aussi la culpabilité que tu as ressentie quand, après un crime horriblement violent, tu as secrètement applaudi le fait que pour une fois, ce n’était pas un Noir qui l’avait commis. Tu sais que les gens te regardent différemment. Même dans ton groupe d’ami·e·s, parce que tu es le gamin Noir, il y a cette impression que les gens, principalement des adultes, te regardent un peu plus longtemps. Il y a toujours eu ce sentiment dans ton ventre que même tes professeurs à l’école primaire te considéraient comme le « méchant ». S’il y avait une bagarre, tu étais presque toujours le principal suspect. Peu importe à quel point ils essayaient d’être « justes », ça arrivait presque toujours. Certains professeurs te regardaient comme s’ils s’attendaient à ce que tu perdes enfin la tête.

Tu es sur le point de passer le reste de ta vie à te battre pour la pertinence et l’acceptation, et ça ne s’arrêtera pas. Même après avoir prouvé à quel point tu es bon, à quel point tu es vraiment talentueux et digne, quelqu’un va arriver et te réduire à un nombre dans un algorithme et dire : « Ouais, pas assez bon. » Les gens surveilleront ta réaction, s’attendant à ce que tu encaisses le coup comme un champion, mais… les gens te défieront également de montrer tes vrais sentiments et de réagir.

Ça va être ça, le secondaire. Pas que ça, bien sûr. Tu auras des moments de joie, de frustration… tu passeras trop de temps à te demander si la personne qui t’intéresse s’intéresse à toi aussi (c’est peut-être le cas, alors propose-lui une sortie!). Tu passeras également plus de temps à inventer des excuses pour expliquer pourquoi tu n’as pas fait tes devoirs plutôt qu’à les faire réellement. Et tu t’épanouiras, même en portant le fardeau de la responsabilité d’être meilleur.

J’avais la devise de mon école pour me le rappeler, et tu trouveras quelque chose de similaire. Toujours vers l’avant. C’est le cri de guerre lorsque les choses semblent au pire et lorsque tu es convaincu que tu n’en peux plus, que tu ne peux pas être meilleur, comme on s’attend à ce que tu le sois. C’est difficile, n’est-ce pas? Mais c’est aussi tout à fait faisable.

Tu y arriveras, et ta mère sera si fière de toi, parce que tu auras relevé le défi et porté ses paroles en toi.

Aimerais-tu lire d’autres histoires ou partager la tienne? Visite la Communauté Jeunesse de Jeunesse, J’écoute.

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L’école secondaire n’est pas la plus grande expérience de ta vie, mais c’est un endroit où tu peux apprendre à t’adapter à de nouvelles personnes, de nouvelles expériences. Tu apprendras à constituer un groupe d’ami·e·s qui peuvent te soutenir et t’aider à traverser les moments difficiles, et pour qui tu pourras également être là. Les cours sont là pour te fournir une structure et tester ton adaptabilité. Peu importe si tu n’utiliseras jamais le calcul dans un environnement réel, ou si dans 10 ans personne ne t’interrogera sur les dates de cette chose aléatoire qui est arrivée à quelqu’un dans un livre d’histoire (je ne m’en souviens pas non plus, donc ça va). Ce qui compte, c’est la façon dont tu prendras ces leçons pour façonner ta vision du monde afin d’avoir une opinion que tu peux exprimer clairement. Tout ça t’aidera à voir comment tu peux changer ta propre petite partie du monde. Tu pourras voir comment être la lumière qui ouvre la voie à tous ceux qui suivent.

Souviens-toi : tu peux toujours regarder vers l’avenir et l’espoir qu’il peut apporter.

La lettre de Nicole au sujet de son premier jour d’école

Nicole est une auteure publiée dans le programme Creator de Wattpad. Elle a beaucoup de partisans sur ses réseaux sociaux en plus de Wattpad, et ses romans ont été publiés sous Wattpad Books et distribués dans le monde entier.

Photo de Nicole Nwosu

Tout ira bien

de Nicole Nwosu

À ma jeune moi,

Alors que tu te prépares pour le premier jour du secondaire, je sais que tu n’as aucune idée  dans quoi tu t’embarques.

Tu es très consciente que tout à partir de ce moment sera complètement différent. Et avec les différences viennent des ajustements difficiles, parfois accompagnés d’anxiété face à l’inattendu. Cependant, je pense que ce changement est quelque chose dont tu pourrais vraiment avoir besoin.

Pendant 10 ans, tu as été scolarisée dans un environnement où tu étais l’une des cinq enfants Noirs – et la seule personne Africaine – de ta classe. Je sais que tu te sentais parfois extrêmement isolée dans cet environnement. Tu ne ressembles à aucun des autres enfants. Parfois, il y avait des moments où tu étais très consciente que les autres ne comprenaient pas ce que c’était que de voir le monde de ton point de vue. Les autres ne savaient pas ce que c’était que d’avoir ton type de cheveux, d’avoir tes cheveux naturels en torsades ou dans des tresses (surtout pour le jour de la photo, quand quelqu’un pensait que tu allais lisser tes cheveux comme tout le monde le faisait). Les autres enfants ne savaient pas ce que c’était que de se faire dire : « Tu ressembles à cette personne », et la seule chose que toi et cette personne avez en commun est que vous êtes toutes les deux Noires. Avec de nombreux autres exemples, extrêmes et non extrêmes, les différences étaient énormes et tu as réussi à tout surmonter même lorsque tu avais l’impression que ton estime de soi était à son plus bas. Au primaire, tu gérais souvent ces situations en lisant (chaque fois que tu te sentais déprimée) et en te jetant dans un autre monde pour te sentir mieux. À cette époque, ton plus grand système de soutien était ta mère. Elle ne t’a jamais fait sentir que tu étais moins parce que tu étais « différente ». Même alors que tu entres au secondaire, son soutien restera indéfectible.

Mais l’environnement scolaire est radicalement différent au secondaire. Tu sais que la race prédominante de ton lycée est Noire et beaucoup de ces enfants, comme toi, sont d’origine Nigérienne. C’est rare au Canada, même dans une ville comme Toronto. Tente de ne pas être trop nerveuse. Je ne pense pas avoir à te le dire, même si tu l’es. Mais tu es extravertie. Je suis certaine que tout va bien se passer.

Tes soucis en ce moment varient si je me souviens bien. Tu en as beaucoup à gérer côté famille. Tu crains également de ne pas faire partie de l’équipe de basket-ball ou de soccer lorsque les essais s’ouvriront (divulgâcheur : tu as fait partie des deux, et le volley-ball aussi, en 11e année). Tu es nerveuse, car tu te demandes si les cours du programme avancé vont être aussi difficiles qu’ils le paraissent. Tu n’es pas vraiment inquiète de te faire des ami·es, mais tu t’inquiètes si tes ami·e·s du primaire vont rester tes ami·es à distance (un autre divulgâcheur : c’est le cas pour certain·e·s, mais pas pour d’autres).

Une inquiétude que tu as, différente de ton expérience à l’école primaire, est de te demander si tu es assez « Noire ». Parfois, des stéréotypes comme la façon dont les Noirs marchent et parlent sont soulignés, surtout quand tu es une enfant… Quand tu sembles agir différemment par rapport au reste des enfants dans une nouvelle communauté dans laquelle tu entres. Parfois, tu y penses puisque tu as grandi dans une région où il n’y avait pas beaucoup d’enfants Noirs. Je veux que tu saches que ce stéréotype de l’« action Noire » ne signifiera absolument rien pour toi en vieillissant. Tu apprendras que peu importe la façon dont tu parles, que tu aies l’air « blanche » ou non, et la musique que tu écoutes (traverse ces phases musicales à haute voix, tu te débrouilles très bien), rien ne peut en aucune façon invalider à quel point tu es Noire. Tu cesseras d’y penser au milieu du secondaire pour plusieurs raisons. Une des raisons est les gens qui t’entourent. Ces gens t’aideront à désapprendre l’idée que tu dois agir d’une manière particulière et de réaliser qu’être toi-même ne te minimise en aucune façon.

De plus, les ami·e·s que tu te feras au secondaire deviendront des maillons importants de ton système de soutien. Ce seront des gens qui te feront facilement rire en plein cours, t’aideront, t’encourageront et voudront que tu grandisses comme eux. D’ailleurs, tu leur parles encore aujourd’hui.

Des gens sont ajoutés à ton système de soutien, et d’autres méthodes de gestion aussi. Au cours de cette transition, tu commences à écrire plus souvent. L’écriture te procure de la joie. Interagir avec des gens qui lisent et aiment ce que tu produis t’apporte de la joie. Pratiquer du sport aide aussi, comme le font les livres que tu lis tout le temps. Même si tu es occupée au secondaire, tu trouveras toujours le temps de lire et de te perdre dans un monde fictif.

Au centre de ton système de soutien, il y aura toujours la même personne que lorsque tu étais enfant. La même personne à l’adolescence et dans la vingtaine : ta mère. Elle te prodiguera des conseils et t’encouragera jour après jour. Sache donc que tout ira bien si tu commets une erreur; elle essaiera de t’aider de toutes les manières possibles.  

Malgré le soutien que tu as, j’aimerais que quelqu’un te dise ceci : parfois, les choses ne fonctionneront pas, mais ce n’est pas grave. Tu as une mentalité qui te dicte que « si je ne fais pas ça, je n’arriverai pas là ». Une partie de ça te suivra toujours lorsque tu entreras à l’université, mais heureusement, tu découvriras que ce n’est pas la fin du monde si les choses ne se déroulent pas comme tu l’avais initialement prévu. Sache simplement que d’une manière ou d’une autre, tu t’en sortiras.  

Il y a beaucoup de choses que tu peux espérer à l’avenir. Premièrement, c’était une excellente idée de choisir l’école secondaire que tu as choisie. Tu auras également l’occasion d’en apprendre davantage sur l’expérience Nigérienne-Canadienne à travers de nombreuses lentilles différentes, plus seulement la tienne. Ensuite, tu peux t’attendre à publier ton premier livre et à créer plus de personnages qui ont des traits comme les tiens à l’intérieur et à l’extérieur, mais aussi certains qui ne te ressemblent pas du tout. Troisièmement, tu peux avoir hâte d’aller à l’université et réaliser quelles parties de la science tu aimes et lesquelles tu méprises complètement. Tu peux t’attendre à apprendre et à voir de nouvelles choses qui t’épateront.  

Alors, finis d’enfiler ton uniforme, attrape ton sac à dos et vas-y. La vie ira mieux. De nouvelles expériences, des défis et le succès t’attendent. Crois-moi, même si tu es nerveuse en ce moment, tout ira bien.

Bonne chance.

Nicole

La lettre de Saint au sujet de son premier jour d’école

Saint est une auteure de romans d’amour 2SLGBTQ+, de fiction historique et de romans low fantasy. Elle a une formation en écriture créative et aime produire des histoires émotionnelles alimentées par des récits axés sur les personnages.

Photo de Saint Caliendo

J’aimerais avoir les bons mots

de Saint Caliendo

Chère Saint,

Il y a beaucoup de choses que j’aurais aimé que tu saches en entrant au secondaire. Par exemple, tu acquerras des compétences incroyables en rugby et en haltérophilie, et la conscience corporelle que tu ressentiras en étant bizarrement grande ne sera que temporaire. J’aimerais pouvoir te dire que nous nous sommes améliorées en dessin, mais honnêtement, pas vraiment. Tu es plutôt une écrivaine maintenant! Tu es passée de bandes dessinées de superhéros au dos de cahiers à l’écriture de milliers de mots qui sont lus par des gens du monde entier.

Je sais que tu es gênée par ton orthographe et ton accent. Avoir été dans une nouvelle école avec des uniformes plus sophistiqués et un système de clique est la raison pour laquelle tu passes aujourd’hui tant de temps à écrire et à rêver. Je veux te faire savoir qu’un jour, toutes ces choses qui t’ont dérangée ne voudront plus rien dire. Pas les cliques stupides, pas les gens qui se moquent de la façon dont tu dis « leggings » et pas tout le stress d’avoir peur que quelqu’un découvre que tu es comme ça. 

Queer. 

Tu as un mot pour ceci maintenant.

Avec le temps, le fait d’être queer pourrait te déranger. Au point de prendre du retard dans tes études, de sauter l’école ou de perdre les quelques ami·e·s que tu avais. Mais il y aura toujours les livres. Tu écris, tu lis, et tu consommes tout ce qui comprend des gens comme toi. Tu‌ rêves éveillée. Tu veux être comme eux. C’est une période difficile mais fondamentale dans ta croissance en tant qu’écrivaine. Écrire des histoires était ta thérapie, et tu t’y es investie. Je souhaite, cependant, que tu demandes de l’aide aux personnes plus âgées qui sont comme toi. J’aimerais que tu disposes des ressources nécessaires pour répondre à tes sentiments et les traiter d’une manière qui ne te porte pas à t’isoler autant. Je souhaite également que tu ne te sois pas reculée et que tu n’aies pas pris l’habitude d’être secrète. Tes ami·e·s au moins auraient dû le savoir. Tu les as perdu·e·s, mais tu as renoué avec elles·eux en vieillissant. Pourtant, tu as manqué tellement de temps et de liens au secondaire. Elles·Ils auraient pu être là pour toi, et les exclure t’aura non seulement isolée, mais aussi blessée. 

Je dois mentionner que tu ne veux certainement pas être médecin. Bien sûr, tu aimes la biologie et un peu la chimie, mais tu es de moins en moins bonne dans ces cours, tout comme tu ne pouvais pas continuer à réussir les mathématiques sans étudier! Il sera difficile d’en parler à tes parents, mais tu finiras par le faire. Bien que j’aurais aimé que tu le fasses plus tôt. Tu aimais (et aimes parfois encore) tout faire pour plaire aux gens. J’aurais voulu que tu travailles là-dessus, et peut-être que tu n’aurais pas une cheville qui éclate parce que tu as couru une course de 400 m avec une entorse au secondaire, et bien sûr une liste exhaustive de toutes les autres petites choses avec lesquelles tu dois encore vivre aujourd’hui. 

Aussi, je ne voudrais pas éluder la question principale. Alors, je vais en parler.

Les cheveux.

La vérité? Tu n’aimes pas tellement tes cheveux. C’est un drôle de sentiment. D’un côté, ta mère te coupe les cheveux couramment pour te punir. Tu « gagnes des ailes » comme elle le dit (tu deviens plus confiante, plus individualiste, parfois, tu pourrais même rouspéter) et ensuite, elle « te les arrache », te coupe les cheveux, t’enlève ton téléphone et ton maquillage, t’humilie pour que tu sois petite et docile à nouveau. 

Tu sais que ce n’est pas une pique envers maman.

Il y a souvent une relation difficile mais typique dans notre communauté entre les adultes et les enfants. C’est difficile à aborder. C’est difficile à rationaliser. Il y a tellement de honte, d’apitoiement sur soi et de regret. 

Mais pour résumer, les gens blessés peuvent blesser les gens.

Ta mère a été blessée en grandissant, puis elle t’a fait du mal. Ç’a fait gonfler une boule dans ta gorge et aggravé ton anxiété. Ç’a‌ contribué à combien tu te dévalorises. Ton corps, tes cheveux, tes sentiments. Au point que tu ne veux plus exister. Tu veux disparaître.

Tes cheveux étaient ton ennemi, et tu les coupais de temps en temps en signe de protestation (signalant à ta mère que tu te fichais qu’elle le fasse), et d’autres fois, tu voulais qu’ils soient raides ou permanentés, pour que les enfants de l’école arrêtent de t’insulter, et pour être jolie comme les personnages de la télé ou les poupées que t’offrait ton père quand il revenait de voyage. J’aurais aimé que tu lises et regardes des médias plus diversifiés. Je trouverais‌ dommage que tu n’aimes pas ton apparence sans vraiment comprendre pourquoi. L’injustice sociale est difficile à comprendre quand on n’a pas les mots.

J’aimerais que tu aies les mots (le vocabulaire) et tous les concepts que tu comprends maintenant en tant qu’adulte.

Tu as déjà essayé de t’enfuir une fois, et tu t’es enfermée plusieurs fois dans le placard et la salle de bain, espérant simplement que personne ne te trouve jamais. 

Il s’agissait de mécanismes de gestion troublants.

Il y a beaucoup de choses que j’aurais aimé que tu fasses différemment. Mais je ne te blâme pas pour ça; essaie de ne pas te blâmer pour quoi que ce soit. Si seulement tu avais eu les bons mots. Le soutien. La communauté.

Je peux souhaiter toutes ces choses, mais ça ne change pas vraiment les autres choses.

Saint, je veux que tu saches que malgré toutes les erreurs que tu as pu commettre, tu t’en es très bien sortie et tu es heureuse d’être en vie et en bonne santé. Je veux que tu saches qu’un jour, tu vas obtenir ton diplôme, et un jour, tu vas déménager sur un continent de l’autre côté de l’océan et recommencer ta vie, une vie où tu seras heureuse, queer et confiante. 

Tu appartiendras à une communauté incroyable et prospère composée d’autres personnes comme toi. De teintes et de couleurs variées. Plusieurs seront des femmes Africaines, comme toi. De plus, tu en connais certaines qui allaient à la même école secondaire que toi. Tu les regarderas, et elles te regarderont, et vous vous reconnaîtrez‌ pleinement pour la première fois en tant que personnes queer.

Beaucoup d’erreurs ont été commises, mais il y a aussi beaucoup de choses que tu as bien faites. Ne l’oublie pas. Sois fière du chemin parcouru et de la façon dont tu t’en es sortie. Accueille ton intuition et renforce ta confiance. Je te souhaite le meilleur.

Avec amour, 

Saint plus âgée

Où puis-je trouver plus de témoignages de personnes dans les communautés Noires?

Tu peux appuyer sur les témoignages ci-dessous pour explorer d’autres expériences à la première personne de personnes Noires au Canada :

Jeunesse, J’écoute remercie Wattpad et les auteurs de ces lettres d’avoir partagé ce contenu sur l’espoir et le premier jour d’école avec nous et tous les jeunes de partout au Canada!

Ces récits sont des traductions de la version originale (en anglais).